Une fois, dans des temps anciens, un des seigneurs de Pahlen se promena au bord de la mer et il y vit une vierge assise sur une pierre et pleurant amèrement. M. de Pahlen s’approcha et lui demanda pourquoi elle pleurait. La vierge le regarda quelques instants avec des larmes dans les yeux, soupira et ne répondit point. Le monsieur lui caressa avec compassion la tête et les joues et lui dit de nouveau :
« Raconte-moi tes peines de cœur, je ne le demande pas par curiosité, mais je veux sécher tes larmes si c’est possible. »
La vierge répondit en pleurant :
« Tu es un homme mortel et tu ne peux m’aider, je suis sous une loi supérieure. Mais tu es si aimable envers moi que je veux te raconter la cause de mon chagrin. Je suis la fille unique du père de la mer et je dois sans hésitation exécuter ses ordres, quoique mon cœur en saigne et que les larmes en coulent de mes yeux. Ce matin, il m’a ordonné de soulever vers le soir les vagues et de les faire tourbillonner toute la nuit. Quand je pense combien de navires et combien d’hommes périront, je ne puis plus calmer mon cœur attristé. »
Le monsieur demanda pourquoi le père de la mer aimait ce jeu affreux et la nymphe répondit : « Je crois qu’il fait des tempêtes pour faire plaisir à la mère du vent avec qui il est en amitié secrète, et maintenant il danse aux sons de la flûte de la mère du vent. Si quelqu’un peut me délivrer de cette bague, il me sera impossible de soulever les vagues et mon père devra seul faire ce travail affreux. »
Monsieur de Pahlen demanda à voir la bague et vit qu’elle était entrée dans la chair et qu’il était impossible de la retirer. Ayant examiné la bague magique, il demanda la permission d’essayer de la couper en deux avec ses dents.
« Ah ! Si c’était possible, s’écria avec joie la nymphe, je te serais toujours reconnaissante et je te récompenserais grandement. »
Pahlen prit la bague entre ses dents, la vierge poussa un cri de douleur et la bague était coupée.
« Prends cette bague coupée en souvenir, dit la nymphe en embrassant M. de Pahlen, garde-la bien, elle te portera bonheur. Demain tu auras ta récompense. »
Puis elle s’en alla en chantant et en dansant vers la mer, s’assit au sommet d’une vague et s’éloigna comme un cygne jusqu’à ce qu’elle eût disparu.
Le lendemain, quand M. de Pahlen se réveilla, il vit deux grands tonneaux près de son lit. En ouvrant les couvercles il vit qu’ils étaient pleins d’or et il s’écria : « Dieu merci ! maintenant je puis satisfaire le désir de mon cœur et aider les pauvres ! » Le même jour, il fit venir tous les gens de sa commune et distribua entre eux un de ces tonneaux en donnant à chacun une poignée d’or. De l’autre tonneau, il donna une grande partie pour la construction des églises et des murs de Tallinn. De là vient la richesse de la commune de Palmse.
Traduit de l’estonien par A. Dido.