Traduits de l’estonien par Antoine Chalvin
KAS MA EESTIT UNES NÄGIN ?
Kas ma Eestit unes nägin ?
Nägin lained laevu täis,
nägin viljarikast randa,
merehõlm ta ümber käis.
Ei see olnud mitte unes,
ilmsi tuli kujutus:
oli vaev mul, oli valu,
kuni tuli kahvatus.
Tõusku, tõusku valuvägi
surmaorust ülesse,
teed ta otsib, elujõgi,
kuni jõuab merele.
AI-JE RÊVÉ DE L’ESTONIE ?
Ai-je rêvé de l’Estonie ?
J’ai vu des bateaux sur la houle,
Des côtes riches et fertiles,
La mer autour qui s’y enroule.
Mais non, ce n’était pas un rêve ;
C’était vrai : j’ai vu cette image,
J’ai ressenti douleur et peine,
Si fort qu’a pâli mon visage.
Lève-toi, peuple de douleur,
Remonte du val de la mort,
Cherche la voie, fleuve de vie,
Qui te conduira vers la mer.
LAULIKU TALVEÜKSILDUS
Lumi tuiskab, mina laulan,
laulan kurba laulukest,
lumi keerleb tuulehoodest,
minu süda valudest.
Lumi tuiskab, mina laulan,
laulan kurba laulukest;
lumi kogub aia äärde,
valu minu sudame.
Lumi tuiskab, mina laulan,
laulan kurba laulukest,
laulan, kuni hauas kaetud
olen jääst ja lumedest.
SOLITUDE HIVERNALE DU POÈTE
La neige tournoie et je chante
Une triste chansonnette,
Neige emportée par les rafales,
Et mon cœur par la douleur.
La neige tournoie et je chante
Une triste chansonnette,
Neige s’amasse au bord du clos,
Et douleur dedans mon cœur.
La neige tournoie et je chante
Une triste chansonnette,
Jusqu’au jour où recouvriront
Mon tombeau glaces et neiges.
SÜGIS
Kaselehekene
meie väraval
langeb oksalt alla,
langeb värinal.
Vaatan metsa poole:
sügis väsinud!
Vaatan taeva poole:
pilve vanunud!
Minu meel ja mõte
nagu leheke!
Kurva pilve, närtsind
metsa sarnane!
AUTOMNE
Détachée d’un bouleau
Auprès du portail,
Une petite feuille
Tombe en frissonnant.
Je regarde le bois :
Automne épuisé !
Je regarde le ciel :
Nuage feutré !
Mon esprit, mes pensées :
Pareils à la feuille,
Au nuage chagrin,
Aux arbres jaunis !
ÜLE VEE
Üks laevake
läeb üle vee,
läeb üle vee
ja lainete.
Kui valge luik
kaob üle vee,
kaob üle vee
ja lainete.
Mu armuke,
Mu kullake
läks üle vee
ja lainete!
Mu armuke,
Mu kullake
on üle vee
ja lainete!
Silm kaugele
käib üle vee,
käib üle vee
ja lainete.
Ei laineke
ei kõnele
mul üle vee
ja lainete.
Siin laineke,
seal laineke:
kuuld üle vee
ja lainete.
SUR L’EAU
Petit bateau
Vogue sur l’eau,
Vogue sur l’eau
Et sur les vagues.
Comme un beau cygne
S’en va sur l’eau,
S’en va sur l’eau
Et sur les vagues.
Mon bel amour,
Mon tendre amour
Parti sur l’eau
Et sur les vagues.
Mon bel amour,
Mon tendre amour,
Là-bas sur l’eau
Et sur les vagues.
Mon œil au loin
Passe sur l’eau,
Passe sur l’eau
Et sur les vagues.
Oui mais la vague
Ne me dit mot,
Se tait sur l’eau
Et sur les vagues.
Vague par ci,
Vague par là,
Un bruit sur l’eau
Et sur les vagues.
HELIN
Kui mina olin veel väikene mees,
üks helin mul helises rinna sees.
Ja kui mina sirgusin suuremaks,
läks helingi rinna sees kangemaks.
Nüüd on see helin pea matnud mind,
ta alla rusuks on raugenud rind.
See helin mu elu ja minu hing,
tal kitsas on jäänud maapealne ring.
LE BRUIT
Quand je n’étais qu’un tout petit enfant
J’avais dans la poitrine un tintement.
Et lentement, comme je grandissais,
Le bruit au fond de moi se renforçait.
Aujourd’hui ce bruit m’a presque enterré,
Ma poitrine sous lui s’est effondrée.
Il est devenu mon âme et ma vie,
Se sent à l’étroit dans ce monde-ci.
RÄNDAJA
Tulin linnast. Lumesadu.
Tööd ei leidnud kusagilt. —
Lumesadu. Jalad väsind.
Läbi, läbi näljane.
Kuskil teed, ei tulekiiri,
aeg ju hiline.
Ennäe! tulukene siiski
vilgub viimati.
Koputan ja astun sisse —
lahkelt lahti tehakse.
Tüdruk võtab ahjust leiba,
sooja leiba — mõtelge!
Soe saun ja lõhn nii armas. —
Tühi kõht. — «Kas soovite,
külamees, vast sooja leiba?»
Murdis tüki minule.
Suure tüki sooja leiba!
Oh küll maitses magus see!
Soe leib ja soe süda,
perenaine tasane.
«Kust sa tulid, kuhu lähed?
Kas sul naine, võõras mees?»
Sealt ma tulen, sinna lähen,
olen vaene reisimees.
«Mitu venda sul või õde?
Isa, ema elavad?»
Mina üksi! Kibe tõde,
kõik nad ära surivad.
«Tibi-tibi, tibi-tibi —
suurem neist on kukeke.
Mul on neli kanapoega,
jutt neid ajas ülesse…»
LE VOYAGEUR
Il neigeait. Errant sans travail,
Je cheminais depuis la ville. —
Il neigeait. Jambes harassées.
Et la faim qui me tenaillait.
Point de chemin ni de lumière.
Le soir était bien avancé.
Soudain, enfin, un petit feu
Qui vacillait dans le lointain !
J’ai frappé et l’on m’a ouvert
Aimablement ; je suis entré.
La fille a sorti de son four
Du pain chaud — imaginez-vous !
Parfum si doux, cabane chaude. —
Mon ventre affamé. — « Voulez-vous
Visiteur, un peu de pain chaud. »
Elle m’en a coupé un bout.
Un large morceau de pain noir.
Comme il était délicieux !
Son cœur aussi chaud que son pain,
Mon hôtesse douce et tranquille.
« D’où viens-tu donc, et où vas-tu ?
Es-tu marié, étranger ? »
Je viens de là, je vais là-bas,
Je suis un pauvre voyageur.
« Combien as-tu de sœurs, de frères ?
Tes parents vivent-ils encore ? »
Je suis tout seul ! Ô vie amère !
Les miens ne sont plus de ce monde.
« Petit-petit, petit-petit —
Le plus dodu deviendra coq.
J’ai là quatre petits poussins :
Nos voix les auront réveillés… »