Traduits de l’estonien par Antoine Chalvin
LE CHANT DE LA DUNE PROFONDE
ils sont encore en haut des pins
les petits garçons dans leurs nids
nuits lâches et jours incertains
les pères restent à l’abri
en secret s’envolent les mères
jusqu’à la cime des grands pins
verseuses de larmes amères
pleurant sur les corps enfantins
le fils voit des bateaux au loin
ce sont des coquilles de noix
rive-toi au sol comme un pin
tant que la jeunesse est à toi
l’hiver on tressait les filets
tu fus pris dans la nasse immonde
un jour, un jour vous l’entendrez
le chant de la dune profonde
comme un pin aussi courbe-toi
la vie ne te quittera plus
dans le vent le sable tournoie
la cloche attend d’être fondue
anéanti le vol de mères
où sont les pères et les fils
on a coupé dans la pinière
et tous ils sont tombés du nid
ne croyez pas les insensés
dans leurs fragiles virulences
les vautours sont déjà lancés
dans les corps hurle le silence
même à travers les
vitres de l’hiver
j’entends
la chanson des criquets
le cœur du silence
palpite et en moi
s’écoule le sang du silence
me lave de l’intérieur
et les arbres s’approchent de moi
tous les feux sont plus brillants qu’autrefois
dans cette fin d’été
dans cette nuit de vie
dans ce jour de ma vie
quelque chose vole et je regarde
et je regarde que je regarde
et je ris parce que je pleure
les étoiles sont là-haut
tout comme autrefois
au ciel
tant de trésors!