Traduits de l’estonien par Antoine Chalvin
Vikatitera
Mina ei tea, kellelt ma pärisin
silmad – pudikeelsetelt taevatähtedelt
või vikatiteralt. Olen lihtne
nagu tuules murdunud viljakõrs,
tühi nagu teokarp, mis mäletab endist elu.
Ihu vastas ämblikuvõrgu koorem, see
tihe hele lõng, päevade lai lävepakk.
Minu vaikus on õhtuse kodutänava
vaikus – nagu tol tuhmil tänavalambilgi,
mida laps nimetab jonnakalt kuuks.
Une lame de faux
Je ne sais pas de qui j’ai hérité
mes yeux – des étoiles balbutiantes
ou d’une lame de faux. Je suis simple
comme un fétu plié par le vent,
vide comme un coquillage qui se souvient de sa vie antérieure.
Contre mon corps pèse une toile d’araignée, ce fil
dense et clair, le seuil large des jours.
Mon silence est le silence de ma rue le soir,
semblable à celui de ce pâle lampadaire
qu’un enfant persiste à appeler la lune.
Tuleb öö
Udu peeglis hoiab meid teineteise
eest. Tolm säilitab mälestused –
nad jäävadki puutumatuks nagu topised
loodusmuuseumis, siltidel nimed
väljasurnud keeles. Sinu pärisosa
on see, mille eest pageda ei saa –
sõda, mida peetakse veel vanamoodi,
kaevikutes. Õpitud naeratus varjab
seda siiski hästi. Tuleb öö, libistad käe
sääsevõrgu vahelt välja, otse tuule
lõugade vahele. Tema hingeõhk on
niiske ja tubakane, ta ütleb naerdes:
ma andestan sulle sinu nooruse.
La nuit vient
La buée sur le miroir nous préserve
l’un de l’autre. La poussière conserve les souvenirs :
ils demeurent intacts, comme ces animaux empaillés
au musée d’histoire naturelle, avec leurs étiquettes où est écrit leur nom
dans une langue morte. Ton lot,
c’est ce à quoi tu ne peux échapper :
cette guerre qui se fait encore à l’ancienne,
dans les tranchées. Mais le sourire appris
la dissimule bien. La nuit vient, tu passes la main
au dehors entre les pans de la moustiquaire, droit
dans la gueule du vent. Son haleine est
humide et sent la cigarette, il te dit en riant :
je te pardonne ta jeunesse.