Le dernier romantique

Kerill-Kerkerill fourra son bec sous l’aile, s’installa plus commodément sur le perchoir et essaya de s’endormir. Mais cette nuit, pas plus que les précédentes, le sommeil ne venait. L’âge, la lassitude et le dépit en étaient probablement la cause …

Signal d’alarme

Il était dix heures du matin lorsque j’arrivai à T. Je l’appelai aussitôt. « Cendrillon ! Toi ! » m’écriai-je. Nous nous retrouvions ! Encore un mois, deux tout au plus, et je m’installerais à T., auprès d’elle pour de bon …

Anamnèse

Suis-je vraiment un chaman ? me demandais-je par cette journée ensoleillée, en faisant mon sac pour abandonner l’agréable rue Berlioz et prendre le chemin de la Catalogne …

Poèmes

Je suis la rumeur du cœur des étés
le battement de la mer dans les baies
je viens dans le noir à travers la pluie
je ferme la porte à l’été …

Poèmes

Chaque jour à minuit le soleil m’attaque,
            mon lit et mon bureau s’enflamment
            le réfrigérateur se consume à côté de la cuisine.
Je me réveille, le toit a disparu …

Le Vengeur

Le Vengeur monta en selle et, accompagné de ses hommes, dont une grande partie avaient été tués au combat, partit pour Tallinn au grand galop. Lorsqu’il y arriva, environ une heure plus tard, la bataille était en train de se terminer …

Lisa et Robert

Lisa, debout près des lourds voilages du rideau, fit un mouvement imperceptible et regarda dans la cour. Toujours rien en vue, rien que les graviers de l’allée — qui ne révélaient aucun passage — et les buissons qui, battus par la pluie, penchaient tristement la tête.

Une énième fois‚ pour s’assurer de sa beauté et vérifier la correction de sa mise, elle alla se contempler dans un miroir richement encadré. Elle avait l’impression que cette attente, qui se prolongeait indéfiniment, nuisait à son apparence et qu’elle devait sans cesse veiller à se rajuster.

La maison était silencieuse. La famille était partie en voyage sans elle …

Pays frontière

Comment as-tu dit, déjà ? « Tu as des yeux étranges. On dirait que tu observes le monde. Tu n’es pas d’ici, n’est-ce pas ? » Oui, je crois que ce sont là les premiers mots que tu as prononcés, Angelo, en émergeant de la lumière vide et blanche du soleil, comme une image photographique qui apparaît sur le papier dans un bain de révélateur. J’ai assisté à cela dans la pénombre d’un laboratoire, dans une lumière rouge infernale : je regardais par-dessus une épaule des mains qui accomplissaient des gestes mystérieux au-dessus de l’eau noire. Ce qui me fascinait, plus encore que cette épaule et que ces mains, c’était l’instant où les contours commençaient à se dessiner… Il y a si longtemps de cela. C’était au siècle dernier, dans un pays aujourd’hui disparu …

La dame rococo

Elle passa encore une fois devant notre fenêtre, vêtue d’un ensemble marron à taille marquée dont la veste s’évasait sur les hanches en volants bouillonnants …