Trois contes setos

Les pois ne viennent pas dans le sac

     Une jeune fille va cueillir des pois. Elle dit aux pois : « Venez dans mon sac. » Mais les pois ne viennent pas dans son sac. Elle appelle alors la souris : « Souris, viens manger les pois, puisque les pois ne veulent pas venir dans mon sac. » La souris vient, mais elle ne mange pas les pois. La jeune fille appelle alors le chat : « Chat, viens manger la souris, puisque la souris ne mange pas les pois et que les pois ne viennent pas dans mon sac. » Le chat ne mange pas la souris. La jeune fille appelle alors le chien : « Chien, viens attraper le chat, puisqu’il ne mange pas la souris, que la souris ne mange pas les pois et que les pois ne viennent pas dans mon sac. » Mais le chien ne touche pas au chat. La jeune fille appelle la badine : « Badine, viens frapper le chien, puisque le chien n’attrape pas le chat, que le chat ne mange pas la souris, que la souris ne mange pas les pois et que les pois ne viennent pas dans mon sac. » Mais la badine ne frappe pas le chien. La jeune fille appelle le mouton : « Mouton, viens manger la badine, puisque la badine ne frappe pas le chien, que le chien ne touche pas au chat, que le chat ne mange pas la souris, que la souris ne mange pas les pois et que les pois ne viennent pas dans mon sac. » Mais le mouton ne mange pas la badine. La jeune fille appelle le loup : « Loup, viens manger le mouton, puisque le mouton ne mange pas la badine, que la badine ne frappe pas le chien, que le chien ne veut pas prendre en chasse le chat, que le chat ne mange pas la souris, que la souris ne mange pas les pois et que les pois ne viennent pas dans mon sac. » Mais le loup ne touche pas au mouton. La jeune fille appelle l’ours : « Ours, viens vite manger le loup puisque le loup ne mange pas le mouton, que le mouton ne mange pas la badine, que la badine ne frappe pas le chien, que le chien ne veut pas prendre en chasse le chat, que le chat ne mange pas la souris, que la souris ne mange pas les pois et que les pois ne viennent pas dans mon sac. » L’ours vient, tue le loup, le loup mange le mouton, le mouton mange la badine, la badine frappe le chien, le chien prend en chasse le chat, le chat mange la souris, la souris mange les pois, les pois vont dans le sac et la jeune fille rentre à la maison avec son sac. 


L’araignée

     Il était une fois une araignée. Elle vivait au plafond et tissait sa toile. Vint un jour un petit oiseau. En volant, il se prit dans la toile et la perça. L’araignée se mit en colère et décida de déclarer la guerre aux oiseaux. Mais on ne part pas en guerre tout seul. L’araignée alla donc se chercher un compagnon. L’araignée avançait sur le chemin avec ses huit pattes, elle rencontra un lapin. L’araignée demanda au lapin : « Tu es beau et doux, tu as de grandes oreilles, viens m’aider, nous allons faire la guerre aux oiseaux. » Le lapin voulut savoir pourquoi l’araignée souhaitait déclarer la guerre aux oiseaux. L’araignée raconta qu’elle habitait au plafond et qu’elle avait tissé une jolie toile, mais qu’en volant, un oiseau s’était pris dans celle-ci et l’avait percée. Le lapin répondit qu’il ne pouvait pas venir l’aider, car il avait trop peur. De qui le lapin a-t-il peur ? Le lapin a peur du renard. L’araignée avançait sur le chemin avec ses huit pattes. Elle rencontra un renard. L’araignée lui dit : « Oh renard, tu es roux, tu as une longue queue, viens m’aider, nous déclarons la guerre aux oiseaux. » « Pourquoi veux-tu déclarer la guerre aux oiseaux ? » demanda le renard. L’araignée expliqua : « Je vivais au plafond, j’avais fait une belle toile quand est venu un oiseau qui, en volant, l’a percée ». Le renard dit qu’il ne pouvait pas lui venir en aide parce qu’il avait peur. De qui le renard a-t-il peur ? Le renard a peur du chien. L’araignée avançait sur le chemin avec ses huit pattes. Elle rencontra un chien. L’araignée dit : « Petit chien, tu as une petite queue ronde, viens m’aider. Nous déclarons la guerre aux oiseaux. » Le chien voulut savoir pourquoi l’araignée souhaitait déclarer la guerre aux oiseaux. L’araignée expliqua : « Je vivais au plafond, j’avais fait une jolie toile. Un petit oiseau est venu, et en volant, il s’est pris dedans et l’a percée. » Le chien répondit : « Je ne peux pas, parce que j’ai peur. » De qui le chien a-t-il peur ? Le chien a peur des humains. L’araignée avançait sur le chemin avec ses huit pattes. Apparut alors une ferme. De la ferme sortit une femme qui allait au jardin sentir les fleurs. Mais sur l’une des fleurs, il y avait une guêpe. La femme commença à agiter ses mains et la guêpe la piqua. La femme se mit à pleurer et rentra en courant. L’araignée s’étonna : « La vie est décidément bien étrange. L’homme, dont le chien a peur, a peur d’une guêpe, que moi, l’araignée, je pendrais avec un de mes fils et je mangerais. C’est donc que je suis la plus forte. Seuls les oiseaux sont plus forts que moi. »


La petite vieille, son fils et le haricot

     Il était une fois une petite vieille et son fils. Celui-ci planta sous le banc du sauna un haricot. Le lendemain matin, il vit que le haricot était aussi haut que le banc. Le second matin, il vit que le haricot était aussi haut que le plafond. Le troisième matin, le sommet du haricot avait transpercé le toit. Le quatrième matin, le haricot était à la moitié du ciel, et le cinquième, il disparaissait dans les nuages. Le fils dit à sa mère : « Mère, le haricot a déjà poussé jusqu’au ciel, je vais grimper jusqu’au ciel le long de sa tige. » La petite vieille répondit : « Bien sûr, mon enfant, c’est très bien que le haricot aille jusqu’au ciel. Prends-moi avec toi, je veux voir le ciel moi aussi. » « Mais où vais-je te mettre ? »  demanda le fils. « Je vais me mettre dans ton sac », répondit la mère. La petite vieille se glissa dans le sac. Le fils prit le sac dans sa bouche et se mit à grimper vers le ciel le long du haricot. Avant qu’ils aient atteint les nuages, la petite vieille demanda : « Vois-tu déjà le ciel ? » Le fils ouvrit la bouche et cria : « Oui! » La petite vieille tomba alors par terre. Le fils atteignit le ciel et arriva près d’une maisonnette en pain blanc qui avait une fenêtre en sucre, des bancs en pain d’épice et des tables en pain noir. Le garçon croqua un morceau de banc et alla se coucher sur le poêle. Le soir, les chèvres rentrèrent chez elles et virent que quelqu’un avait mangé un morceau de leur banc. Le lendemain matin, une chèvre qui n’avait qu’un seul œil resta à la maison pour monter la garde. Le garçon chanta sur le poêle : « Dors, dors, dors, premier œil, dors, deuxième œil, dors profondément. » La chèvre s’endormit. Le garçon croqua un morceau du poêle et se rendormit. Les chèvres rentrèrent à la maison et remarquèrent que quelqu’un avait croqué un morceau du poêle et que la chèvre à un œil dormait. Les chèvres lui demandèrent ce qui s’était passé. La chèvre à un œil leur expliqua qu’on lui avait chanté une très jolie chanson et qu’elle s’était endormie. Le lendemain, une chèvre qui avait ses deux yeux resta à la maison. Le garçon chanta : « Dors, dors, dors, premier œil, dors deuxième œil, dors profondément ». La chèvre s’endormit. Le garçon descendit du poêle, alla croquer un bout de fenêtre et retourna dormir. Les chèvres rentrèrent à la maison et trouvèrent la chèvre à deux yeux endormie. Le troisième jour, une chèvre qui avait trois yeux resta à la maison. Le garçon chanta : « Dors, dors, dors, premier œil, dors deuxième œil, dors profondément. » Deux yeux de la chèvre se fermèrent, mais le troisième resta ouvert. Le garçon descendit du poêle, et la chèvre l’attrapa. Quand les chèvres rentrèrent à la maison, elle firent du garçon leur berger.
     Fin de l’histoire.

Conté par Terje Lillmaa

Traduit de l’estonien par Suzanne Lesage