Le mariage de mademoiselle U.

En vieillissant, il nous arrive d’avoir honte de nos amours de jeunesse, de même sans doute qu’elles ont un peu honte de nous. Une attirance invisible nous empêche pourtant de répondre par le silence lorsqu’elles nous adressent la parole …

Mon ami B.

Un de mes amis, B., déclara un jour qu’il était amoureux de deux femmes à la fois. Cela aurait sans doute été compréhensible s’il s’était agi par exemple de femmes à la beauté remarquable …

Lettre de province

Salut à toi, ma grande, vieille et sage !
      Pourquoi ne m’écris-tu plus ? Penses-tu donc être devenue une authentique mamy universitaire qui n’a plus de temps à perdre avec une gamine comme moi ? …

L’intérêt humain pour le bonheur

« À ton avis, elle est heureuse ? »
      Voilà la question qui nous préoccupait, nous, ses anciens camarades de classe, et que nous avions coutume de nous poser les uns aux autres lorsque, par les soirs paisibles, nous la croisions le long de la rive de l’Emajõgi …

La disparition de Kõtu

Un semestre d’hiver, sans doute en cinquième, je me suis retrouvé à user mes fonds de culotte dans la même classe que lui : cela devait être pendant l’année scolaire 1941-42 …

L’Agence de régulation des mariages

Ando Kasesalu, socio-anthropologue de trente-deux ans, homme de science tant par son apparence que par son tempérament, gara sa voiture à la seule place libre, puis regarda avec hésitation le bâtiment qui se dressait devant lui et dont les vitres sombres reflétaient le soleil …

Casanova fait ses adieux

Tout était fini maintenant. Hillar Kaselaid, en rentrant de chez le médecin, se laissa tomber dans son fauteuil où il demeura une heure entière sans faire un mouvement …

La guerre de Mahtra

« Comment trouvez-vous notre pays, Mlle Marchand ?
    — Vous voulez dire la nature ?
    — Oh, non ! Je comprends bien que notre maigre nature n’a rien qui soit susceptible de vous intéresser.
    — Mais si, M. le Baron. La nature est toujours intéressante, quelque forme qu’elle revête …

Le monument

J’allumai une cigarette, me collai béatement la nuque au dossier du fauteuil et fermai les yeux. Je me souviens d’avoir articulé à mi-voix :
– Et Jéhovah, ayant élu Jacob, l’éleva au-dessus des autres. Gloire au Puissant Jéhovah ! Amen.
La cigarette avait un goût exquis, voire un peu enivrant : pendant les deux heures que les frotteurs de parquet occupaient les lieux, je m’étais entêté comme un gosse à refréner mon envie de fumer …